Lorsque les fortifications médiévales rencontrent celles, contemporaines, du premier conflit mondial — Le château du Schwarzenbourg

Situation géographique.

Le château du Schwarzenbourg (Mengus et Rudrauf donnent « Schwarzenberg » comme entrée) a été construit sur un étroit promontoire rocheux à 510 mètres d'altitude sur le flanc sud de la vallée de Munster, à la limite de Munster et de la commune de Griesbach-au-Val (Alsace), il offre un magnifique point de vue sur le Val Saint-Grégoire, la vallée de la Fecht et le massif vosgien attenant au versant opposé.

Historique succinct.

Construit en 1261 par l’évêque de Strasbourg, Gauthier Gerolseck sur les terres de l’abbaye de Munster, c’est l’un des rares châteaux dont la date de construction est connue avec précision (Mengus & Rudrauf). Les travaux sont achevés dès 1262, mais, après la défaite de l’évêque lors de la bataille de Hausbergen, la forteresse devient possession de l’évêché de Bâle. Le château passe de mains en mains jusqu’à la prise de possession par Jacob Beger qui le restaure entre 1496 à 1522. 

Occupé par les troupes françaises après la guerre de Trente Ans à partir de 1636, il est pris sans résistance par les Impériaux en 1538 pour libérer des gentilshommes français qui y étaient détenus en otages. 

Le château tombe dès lors progressivement en ruine. Jugé inhabitable dès 1646, il aurait été démantelé en 1673 par les troupes françaises (Mengus & Rudrauf).

Les ruines seront vendues comme bien national en 1793, le château est racheté par la famille Hartmann au début du 19e siècle pour l’intégrer dans son jardin anglais.

Évolutions architecturales.

Le château féodal… 

Le château, bâti sur une crête, est isolé de la montagne par un profond fossé couvert par une fausse-braie. Le haut-château était flanqué par trois tours semi-circulaires. Actuellement subsiste un épais mur correspondant au front d’attaque.

Les vestiges d’une enceinte, délimitant une basse-cour, flanquée d’une tour en fer à cheval sont encore visibles aujourd’hui.

Château du Schwarzenbourg - mur-bouclier

Château du Schwarzenbourg - fossé

Château du Schwarzenbourg - tour circulaire

Les aménagements réalisés lors du premier conflit mondial.

Durant la Première Guerre mondiale, il est utilisé par l’armée allemande comme observatoire d’artillerie couplé à un poste de commandement. Par ailleurs, de nombreux abris sont aménagés à proximité, au pied du château, dans le fossé et à contrepente le long de la crête qui mène au château.

Exemples d'organisation des versants et des fossés.

Leur conception relève d'une architecture classique. On distingue deux formes : casemates en béton coulé sur un tunnel en tôle ondulée ou abris à deux entrées renforcées par un coffrage bétonné utilisant la technique des mines.

Abris installés à contrepente sur la crête menant au château du Schwarzenbourg (lieu-dit « Terrasse Napoléon »)

À proximité, mais moins visibles, il existe encore quelques autres abris de différents types…

Abris construits dans le fossé ou à proximité immédiate du château.

Un profond fossé isole le château de la montagne

Plusieurs abris utilisant les techniques de construction de la mine y sont disposés…

Poste d'observation d'artillerie du Schwarzenbourg.

Dans le cas du Schwarzenbourg, on a aménagé, de juillet 1915 à 1918, la croupe montagneuse sur laquelle sont installés en outre les  châteaux du Pflixbourg [1915] et du Haut-Hattstatt. 

D'autres châteaux du secteur ont « bénéficié » du même type d'aménagements : Hohlandsbourg, Hohnack…

Sur le front des Vosges, la réutilisation de sites médiévaux est assez fréquente. Toutefois, sur le site du Schwarzenbourg, la construction allemande occupe une grande partie de ce qui fut le Haut-Château. Adossée à la face intérieure du mur-bouclier, l'imbrication de ces deux structures n'est pas sans poser des problèmes de conservation du patrimoine féodal (cf. Koch J.). Le rez-de-chaussée comporte plusieurs pièces servant d’abri et, très probablement de PC d’artillerie. Un escalier, très étroit, même à une sorte de tour servant d’observatoire d’artillerie.

La « tour » servant d'observatoire d'artillerie

L'étroit escalier desservant l'observatoire d'artillerie (état 2012)

Abri & observatoire d'artillerie installés au sein du château du Schwarzenbourg… Prenant appui contre le mur-bouclier, l'ensemble est précédé d'un profond fossé 

Cartes contemporaines du premier Conflit Mondial.

Canevas de tir français — secteur de Munster — 15.11.1915

Les abris et aménagements du secteur du Schwarzenbourg semblent méconnus des Français.

Carte allemande — secteur de Munster — 28.01.1918

La carte allemande ne détaille pas les abris si ce n'est un poste optique installé à proximité et le libellé « Armee Warte »

Canevas de tir français — secteur de Munster — 23.04.1918

Sur ce canevas de tir français tardif, les abris de la terrasse napoléon sont bien identifiés. Par contre les installations sur le Schwarzenbourg semblent être restées ignorées !

Orientations bibliographiques

MENGUS N., RUDRAUF J.M. - Châteaux forts et fortifications médiévales d'Alsace. Dictionnaire d'histoire et d'architecture. Strasbourg, La Nuée Bleue, 2013. p. 296-297.

SCHNITZLER B., LANDOLT M. (Sous la dir.) - À l'est, du nouveau ! Archéologie de la grande guerre en Alsace et en Lorraine. Strasbourg, Musées de la ville de Strasbourg, 2013.

KOCH J. De l’usage stratégique de la ruine de château fort : la reconversion de quelques sites de châteaux du Val Saint-Grégoire (Haut-Rhin). In : SCHNITZLER B., LANDOLT M. op. cit., 2013, p. 63-64. 

Dr Balliet JM, 25 novembre 2018