Fort Cigogne… une fortifications d'exception au sein de l'archipel des Glénans


L'archipel des Glénans est formé par six îles principales ainsi que d'une multitude de récifs et îlots. L’archipel procure un bon abri car la houle du large est brisée par les îles : le principal mouillage, la chambre, s’étend entre les îles Cigogne — presque entièrement recouverte d’un fort — et Saint-Nicolas où une cale de débarquement a été construite. Cependant de nombreux récifs et hauts fonds rendent difficiles la navigation et l’accès à ce mouillage.

À l’est, l'île de Penfret, la plus étendue, comprend à ses extrémités par deux buttes portant l’une un sémaphore, l’autre un phare disposé au milieu d'un fort car elle offre un mouillage  plus avantageux pour des navires un peu plus importants.


Plan & vue - Source GoogleMaps

Plan & vue - Source GoogleMaps

Fortifier l'archipel des Glénans ?

Les réalisations du 18e siècle.

AGUITON, Étienne - Mémoire sur les motifs qui peuvent déterminer à établir un fort sur l'isle Cigogne, l'une des Glénans. Ms., 1754 [coll. BnF]Dès 1717, il avait été question de fortifier l'archipel des Glénans  afin de contrer l'occupation de l'archipel par les corsaires anglais et hollandais. Ce n'est que bien plus tardivement, en 1754, qu'un « Mémoire sur les motifs qui peuvent déterminer à établir un fort sur l'isle Cigogne, l'une des Glénans » est rédigé par Étienne Aguiton (1700?-1764) en 1754. Presque concomitamment, un premier projet est proposé par l'ingénieur Félix-François de La Sauvagère (1707-1782) pour protéger le mouillage de la Chambre. Probablement jugé trop onéreux, il reste sans suite.

On lui préfère un projet d'un tracé plus simple et on commence la construction du fort en 1756. Contrairement aux projets, toutes les batteries sont à barbette, aucune embrasure n’ayant été réalisée.

Le fort reste en l'état jusque vers le milieu du 19e siècle.


LA SAUVAGÈRE, Félix-François de - Plan en grand du projet de la forteresse sur lisle Cigogne, l'une des Glénans, avec les logemens proposés a preuve de bombes sous la platte forme la plus élevée. 1754. [coll. BnF)
LA SAUVAGÈRE, Félix-François de - Plan en grand du projet de la forteresse sur lisle Cigogne, l'une des Glénans, avec les logemens proposés a preuve de bombes sous la platte forme la plus élevée. 1754. [coll. BnF)

La commission de 1841 et ses avatars : conséquences pour les fortifications de l'archipel des Glénans.


Pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire, les Anglais avaient occupé, sans interruption, le mouillage situé au nord-est de l’île de Penfret d’où ils perturbaient considérablement le cabotage. Ils ne prenaient même plus la peine d’empêcher le ravitaillement du fort Cigogne tellement son inutilité était évidente (N. Salat p.304).

Si la commission de 1818 demandait la construction de redoutes sur les îles de Penfret, Saint-Nicolas et le Loch, le comité des fortifications de 1825 et la commission de 1836 se bornent à proposer l’entretien du fort Cigogne et la construction d’un fort sur Penfret.
La commission de 1841 propose, pour défendre le mouillage de Penfret, la construction d’une batterie de neuf pièces avec une tour n°1 formant réduit.

Les travaux à Penfret.

Plusieurs projets faisaient tous état de difficultés similaires : problème de l'emplacement de la batterie et de la présence du phare de Penfret, sur le mamelon nord-est.
_ L’inspection générale de 1857 décide que la masse des feux doit être dirigée au nord-est ;
_ Le phare, à proximité immédiate de la batterie, constituait un repère idéal pour l'artillerie ennemie et, si l’ennemi s’en emparait, la batterie deviendrait intenable. On décide alors de l’inclure dans l’ouvrage en l'entourant d’une enceinte de sûreté comprenant également le réduit de la batterie.

L'inspection de 1857, rejete la tour n°1 en raison de la trop grande dépense qu’auraient exigée les travaux d’excavation pour la défiler. Elle se prononce pour un corps de garde défensif n° 1disposé de telle sorte que sa plate-forme supérieure se situe au niveau du rez-de-chaussée du phare. Une enceinte crénelée et un profond fossé cernaient l'ensemble. Dans un but d’économie, l’idée avait été caressée un moment de loger les soldats de la garnison du fort dans les logements des employés du phare mais, devant les protestations de ces derniers, l’idée fut écartée (Salat p. 306).
Les travaux, marqués par des difficultés à recruter l'indispensable main d'œuvre, commencent en 1858 et se terminent en 1860.

Fort Cigogne.

On estime qu'il est inutile de l’agrandir, ni même de remédier à ses défauts, dont le plus grave était la faible hauteur des escarpes qui le rendait accessible à l’escalade.
En 1843, le fort fut remis en état de recevoir une garnison : on procède à la réfection les chapes surmontant les casemates et, deux ans après, l’étanchéité ayant été vérifiée, les plates-formes d'artillerie sont remises en place.
En 1847, on propose de rendre défensifs les deux fronts, simples murailles au nord et à l’est… le projet est jugé trop coûteux.
L’inspection de 1857 décide toutefois de quelques travaux d’amélioration : un chemin de ronde constitué par une banquette d’infanterie soutenue par des arceaux surbaissés complète utilement le front sud-est. Pour renforcer la défense de l’accès au fort, une bretèche surmonte désormais le pont-levis de la porte d’entrée; les terre-pleins de l'est sont nivelés et les rampes d’accès achevées. 

La commission de 1841 avait fixé l’armement du fort Cigogne à quatre canons de 30, servis par vingt canonniers (Salat p. 307) :

_ Face ouest : la plus importante, elle couvre la chambre et le chenal des Bluniers : 2 pièces ;
_ Face sud, vers l'île du Loch : 1 pièce;
_ Face est, vers Penfret : 1 pièce.
_ Face nord ne voyait aucune passe : aucun armement.

Les travaux furent entrepris en même temps que ceux de Penfret et, comme eux, terminés pour l’été 1860.

Le fort Cigogne — éléments d'architecture.

Forme générale.

Le front principal nord-ouest est constitué d’un mur d’escarpe en granit de sept mètres de haut. En son centre est disposée, en retrait, une porte surmontée d’une bretèche. Elle était précédée d’un pont-levis aujourd’hui disparu.
La batterie principale, au nord-ouest, n’a pas été achevée : elle se composait d’un terre-plein gazonné de 7,50 m de large et d’un parapet à faible plongée de 4,70 m de large avec un talus intérieur de 1,50 m de hauteur. Ce terre-plein se prolongeait dans les deux bastions : celui de l’ouest est désormais surmonté d'une tour édifiée en 1911 par la Marine nationale pour servir d’alignement à deux bases de vitesse. Le bastion est ne présente qu’un simple parapet permettant det battre le pied de l’escarpe sud-est. Ce front se prolonge au nord et à l’ouest par deux demi-bastions.



La batterie nord-est utilise la butte naturelle qui a été aplanie pour former un terre-plein en avant duquel a été aménagé un parapet à faible plongée de six mètres d’épaisseur.

La batterie de l’est a la même forme, mais le rempart s’interrompt brutalement, là où la courbe naturelle du sol s’abaisse et se poursuit par un simple mur de trois mètres d’épaisseur comportant intérieurement des niches à voûtes surbaissées supportant les banquettes de tir d’infanterie. Sur le front est couvert par un fossé creusé dans le roc.

Le rempart se poursuit jusqu’à la moitié de la face ouest et englobe une « tour » renfermant les latrines.

Le front sud-est est constitué, pour les trois quarts, d’un rempart utilisant la butte naturelle du terrain et, pour le reste, d’un simple mur à contreforts intérieurs.

Balade aérienne.



Aménagements intérieurs.

Dix casemates ont été installées en laissant intacte la butte située à l’est de l’île. Ces casemates sont aménagées de part et d’autre de la porte et chaque casemate s’ouvre sur la place d’armes par une porte et une fenêtre ; elles sont voûtées et toutes comportent une cheminée bien visible sur la partie sommitale du rempart. Une boulangerie, dont  le four est toujours visible, est établie dans une casemate du rempart de la face ouest. Les bastions du front nord-ouest renferment un cachot pour celui de l’ouest et une citerne, à l’est (celle-ci ne sera terminée qu’au début du 19e siècle lorsqu’on lui ajoute un puisard).

Galerie d'images…

Fort Cigogne — Vue aérienne

Fort Cigogne — Vue aérienne
Attention, ce qui ressemble à des « embrasures » correspond à des ouvertures réalisées postérieurement !

Fort Cigogne — Vue aérienne

Fort Cigogne — Vue aérienne

Fort Cigogne — Vue aérienne

Fort Cigogne

Fort Cigogne

Fort Cigogne — Front nord-ouest
Attention, ce qui ressemble à des « embrasures » correspond à des ouvertures réalisées postérieurement !

Fort Cigogne — Front nord-ouest
Fort Cigogne — Front nord-ouest

Fort Cigogne

Fort Cigogne

Valeur militaire & état actuel.

De facto, le fort n’aurait guère pu résister à une attaque de vive force, car il laisse, au nord-ouest, une large bande de terrain découvert face au mouillage de la « Chambre ». D’une faible valeur militaire, il est déclassé en 1899. Il se présente aujourd’hui en une bon état tout relatif — il a été retenu pour le loto du patrimoine 2018 — et n’a pas subi de modifications structurelles majeures. 

L’île de Penfret.

Situé au nord-est du phare, le mouillage était défendu par une batterie construite au XIXe siècle sur la butte nord de l’île. Le fort comprend un réduit qui inclut le phare dans son enceinte (cf. supra).

Fort de Penfret

Fort de Penfret

Fort de Penfret

Bibliographie

LE POURHIET-SALAT N. - La défense des îles bretonnes de l'Atlantique des origines à 1860. Vincennes, SHM, 1983.


AGUITON, Étienne - Mémoire sur les motifs qui peuvent déterminer à établir un fort sur l'isle Cigogne, l'une des Glénans. Ms., 1754. Note :  [4] f. ; in-fol. Vers 1754 d'après la date de la tournée militaire du marquis de Paulmy en Bretagne. - Texte signé : "Le Chev. Des Roches". - Verso du dernier feuillet blanc. — Source : Coll. de la BnF


LA SAUVAGÈRE, Félix-François de - Plan en grand du projet de la forteresse sur lisle Cigogne, l'une des Glénans, avec les logemens proposés a preuve de bombes sous la platte forme la plus élevée. 1754. Ms. aquarellé avec retombe ; 71 x 103 cm. Échelle(s) : Echelle de 25 toises [= 22,5 cm] — Source : Coll. de la BnF

Cf. également l'inventaire culturel du patrimoine en Bretagne qui réalise, entre autres, un complément iconographique bienvenu…

_ Fort de l'île Cigogne (Archipel des Glénan) ici
_ Batterie dite Fort de Penfret, île de Penfret (Archipel des Glénan) ici



Dr Balliet — 2 novembre 2018

Commentaires