Lorsque « l’art défensif » s'offre quelques perspectives inhabituelles !

 

Flachon de la Jomarière - […] Eaux jaillissantes (1785)
Flachon de la Jomarière - […] Eaux jaillissantes (1785)

Parmi les ouvrages anciens, certains réjouissent tout à la fois le bibliophile et l’amateur de fortifications. En effet, au fil de la lecture de ces ouvrages, on y découvre parfois quelques pépites qui viennent égayer nos lectures.

Si, aujourd’hui, certaines idées pouvaient prêter à sourire, sur la forme ou le fond, elles ont pourtant souvent été traitées avec sérieux, par les contemporains ! Pour illustrer mon propos, j’ai retenu deux ouvrages peu courants, publiés peu avant la Révolution ou durant les guerres de la Révolution et de l’Empire, dont je présente les notices bibliographiques rédigées à leur propos.

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Un recueil de textes sur l’artillerie et des moyens de défense des places inédits.

Flachon de la Jomarière - […] Eaux jaillissantes (1785)


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SAINT AUBAN (Antoine Baratier de), FLACHON DE LA JOMARIERE — CHEVALIER MICHAUD D’ARÇON - Mémoire sur l’Artillerie & sur le projet d’une Artillerie nouvelle [M. de Saint-Auban] ; L’ordre profond et l’ordre mince, considérés par rapport aux effets de l’artillerie ; Réponse de l’Auteur de l’Artillerie nouvelle, à MM. de Menil-Durand & de Mezeroi [M. de Saint-Auban] ; Essai sur la Défense des Places par les Eaux jaillissantes & des Eaux souterraines, au moyen des Pompes foulantes [Flachon de la Jomariere] ; Réponse de monsieur le chevalier d’Arçon, colonel, au Corps-Royal du Génie, à l’Auteur de l’Essai sur la Défense des Places par les Eaux jaillissantes et souterreines [Chevalier Michaud d’Arçon] ; Réplique à Monsieur d’Arçon par l’Auteur de l’Essai [Flachon de la Jomarière]. S.l., s.e., 1774-1785 ; in-8, [Saint-Auban — 1774] 231 pp., 1 pl. dépl. h-t. ; [Saint-Auban — 1776] 101 pp., [3] ff. ; [Flachon de la Jomariere — 1785] 32 pp., 1 pl. dépl. h-t. ; [Chevalier d’Arçon — Flachon de la Jomarière] [4] ff., 35 pp., cartonnage d’attente (rel. de l’époque).

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Flachon de la Jomarière - […] Eaux jaillissantes (1785)

Flachon de la Jomarière - […] Eaux jaillissantes (1785)

Recueil de textes portant sur l’artillerie, la tactique d’infanterie et les fortifications. C’est Flachon de la Jomarière, alors ingénieur en chef à Strasbourg, qui nous gratifie d’une proposition des plus étonnante, l’utilisation de jets d’eau dans la défense des places ! Cet essai lui vaut une réponse cinglante du célèbre Michaud d’Arçon auquel Flachon répond sans se démonter.

Carnot, à propos de cette expérience (in De la défense des places fortes, ouvrage composé par ordre de sa majesté impériale et royale, pour l’instruction des élèves du corps du génie. Troisième édition, p. 349-350) : « On peut rapporter encore à la théorie des projectiles verticaux, la singulière idée de M. Flachon de la Jomarière. Cette idée consiste à faire jaillir sur le travail de l’assiégeant, lorsqu’il s’occupe à couronner le chemin couvert, une énorme quantité d’eau, par le moyen de pompes semblables à celles qu’on emploie dans les incendies. L’auteur pensa que cette eau, lancée avec violence, détremperait promptement la terre, au point qu’il serait impossible à l’assiégeant de continuer son travail. Cependant, il fut ordonné en 1785, par le gouvernement, que l’expérience en serait faite, et cette expérience réussit très parfaitement, à la grande confusion des faiseurs de sarcasmes : les sapeurs ne purent jamais remplir leurs paniers, la terre fut dans l’instant convertie en une boue liquide qu’ils délayaient avec leurs pieds, et dont il leur fut impossible de faire un épaulement. Cependant, on n’a point donné de suite à ce résultat ; ce qui se prouve qu’il ne suffit pas toujours d’avoir en soi l’expérience, la raison et même l’intérêt de l’État : la force d’inertie l’emporte sur tout cela. Peut-être, dans un siècle ou deux, une circonstance extraordinaire fera-t-elle apercevoir que cette idée pourrait servir à quelque chose ».

Carnot se révèle en l’espèce clairvoyant puisque cette technique connait aujourd’hui un large usage par les forces de l’ordre dans le cadre de l’utilisation d’une force non létale au cours de manifestations !

Cela n’empêchera d’ailleurs pas Flachon de la Jomarière (1739 - mort après 1791) de poursuivre une belle carrière : lieutenant en second à l’école de Mézières (1763-174), ingénieur ordinaire (1765) capitaine à Thionville (1773), à Fort-Louis (1779) et ingénieur en chef à Strasbourg (1784) puis à Besançon (1788). Retiré en 1791, on perd ensuite sa trace (A. Blanchard).

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Qui connait, même parmi les spécialistes les plus éclairés, un certain Révéroni ?

Révéroni - Inventions militaires et fortifiantes [1795]

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[RÉVÉRONI (Capitaine de première classe au Corps du Génie Jacques-Antoine de )] Inventions militaires et fortifiantes, ou essais sur des moyens nouveaux, offensifs et cachés, dans la guerre défensive. Paris, Du Pont, an III (1795) ; in-8, tiré-à-part de l’époque, pp. 49-56, I pl. dépl. h-t., br.

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Jacques-Antoine Révéroni, baron de Saint-Cyr (1767-1829), militaire et homme de lettres français. Il s’agit d’un tiré à part d’ouvrage publié anonymement — « Capitaine de première classe au Corps du Génie R** » — et portant sur les « Observateurs aériens », plus précisément, sur l’utilisation d’aérostats pour l’observation des lignes ennemies. Cette première édition, donnée en 1795, a été suivie d’une seconde édition publiée sous le titre d’« Inventions militaires dans la guerre défensive » en 1798.

Révéroni - Inventions militaires et fortifiantes [1795]

Révéroni - Inventions militaires et fortifiantes [1795]

Né de l’une des familles italiennes qui passèrent en France, au 15e s., Révéroni opte pour le métier des armes à l’âge de quinze ans [1782]. Nommé capitaine de première classe au corps royal du génie, il rédige la plupart des instructions qui furent envoyées aux généraux en chef, notamment à Rochambeau et à Lafayette. Ayant repris du service en 1793, il est employé sur les côtes de l’Océan, près du Havre, où il fait exécuter de nouveaux fourneaux à boulets rouges, de son invention. Il passe ensuite à l’armée du Nord, et fait achever les fortifications de Menin, commencées par les alliés. Rappelé à Paris, il est nommé professeur de fortifications, répétiteur adjoint des généraux d’Arçon et Campredon, lors de la création de l’École polytechnique. Il est membre du comité des fortifications et, plus tard, il est nommé chef de division au ministère de la guerre sous le maréchal Berthier. Enfin, il prit les fonctions de sous-directeur du génie, et chargé du casernement de la capitale.

On peut relever que Bonaparte voulut l’emmener dans sa campagne d’Égypte ; mais Révéroni s’y refusa par suite d’une infirmité qui l’empêchait de monter à cheval et qui nuisit beaucoup à son avancement quoiqu’il fût sans contredit un des officiers les plus anciens et les plus instruits de l’armée, comme le témoignent les différents mémoires qu’il présenta sur le service militaire, sur la guerre d’Espagne, la campagne de Russie, etc. Il n’était que lieutenant-colonel du génie lorsqu’il fut mis à la retraite en 1814, Révéroni de Saint-Cyr, n’avait plus alors d’autre occupation que ses travaux littéraires qu’il n’avait jamais perdus de vue.


© Dr Balliet J.M. — 30 janvier 2021

Ouvrages et illustrations du fonds de l'auteur



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