Guerre de Trente Ans dans les Hautes-Vosges… Redoute et lignes défensives du Hohneck
Avant-propos.
S’il est un domaine des fortifications qui reste peu exploré, c’est celui qui relève de la fortification improvisée ou semi-permanente du 17e à la première moitié du 19e siècle. Souvent masquées par une épaisse couverture végétale, elles forment un patrimoine peu connu alors que, paradoxalement, les vestiges se révèlent aujourd’hui encore assez nombreux… pour celui qui saura lire et interpréter le paysage (cf. la série de billets à propos des redoutes rhénanes et celles de la Forêt-Noire).
Pourtant, il y a des endroits où la lecture est singulièrement plus aisée en raison de l’absence de couverture végétale et d’interventions humaines limitées : il s’agit d’une part de la Forêt-Noire dont les nombreuses redoutes ont fait l’objet de nombreux travaux, mais aussi de celles établies dans les Hautes-Vosges… l’objet de notre propos !
Dans ce secteur, les vestiges conservés ont parfois subi les affres du premier conflit mondial, surtout lorsqu’elles se trouvaient sur la ligne de front, mais nombre d’entre elles sont bien conservées.
La redoute et les lignes de défense installées, pour l’essentiel, durant la guerre de Trente Ans à proximité du sommet du Hohneck en sont un parfait exemple : bien conservées dans un site qui permet d’en appréhender aussi bien la forme que la situation.
Contexte historique.
Si le massif vosgien, dont les crêtes, est particulièrement réputé pour les nombreux vestiges du premier conflit mondial et ses nombreux châteaux, il représente aussi un point de friction au cours de la guerre de Trente Ans (1618-1648).
En 1631, la France cherchait des alliés en Europe et signait un traité avec le roi de Suède Gustave Adolphe qui, en contrepartie, d’une aide financière, s’engageait avec succès contre l’Empereur. Fort de ses succès, il devient de facto l’arbitre du conflit ! Au cours de ce conflit long et complexe, Richelieu se déterminera même à occuper la Lorraine dans les années 1630 alors que les Suédois mènent de nombreuses opérations en Alsace. Tous les partis construisent des fortifications improvisées, en particulier des redoutes, pour contrôler des points de passage voire contribuer au siège d’un château (en témoignent les nombreuses « Schwedenschanze » — redoutes suédoises — qui subsistent aujourd’hui encore comme lieu-dit sur les cartes d’Alsace).
Les redoutes des Hautes-Vosges ont essentiellement été installées durant cette période, la première moitié du 17e siècle. Les redoutes rhénanes sont plus tardives et correspondent pour la plupart d’entre elles à la période de la guerre de Sept Ans (première moitié du 18e siècle) alors que les quelques redoutes situées à l’entrée des vallées en Alsace ont été installées vers la fin des guerres de la Révolution et de l’Empire (1814-1815).
Balade aérienne.
Avant d'aborder des considérations plus techniques, une petite balade s'impose de manière à offrir une vue d'ensemble…
Situation géographique.
À peu de distance du sommet du Hohneck (1360 m d’altitude), la redoute et les lignes de défense adjacentes barrent une étroite crête bordée de part et d’autre par des pentes abruptes. Passage obligé, sa situation lui permet de contrôler l’ancienne route commerciale qui, passant le petit Hohneck et le Gaschney, rejoignait la vallée de Munster.
Le Petit Hohneck — L'ancienne route qui menait à la vallée de Munster est parfaitement visible |
La crête barrée par un dispositif défensif. Au fond, le Petit Hohneck. |
La situation géographique privilégiée — le Hohneck est le troisième sommet du massif vosgien — ne doit toutefois pas faire oublier l'extrême rudesse du climat, hier plus encore qu'aujourd'hui… Le cliché suivant pris au même endroit, quinze jours avant : -11° C !
Éléments d'architecture militaire.
Si le dispositif apparaît comme simple et lisible, il présente toutefois quelques subtilités.
Attention : Bien évidemment, il ne s’agit là que d'un ramas de réflexions initiales qui devront faire l’objet d’un examen plus attentif.
Dans l’ensemble, deux lignes de défense se succèdent et qui ne s’interrompent qu’au bord des ravins jouxtant la crête de part et d’autre… le dispositif défensif ainsi constitué ne peut pas être contourné !
Ces lignes, en réalité un simple parapet, sont reliées entre-elles par une caponnière de liaison formant des zigzags.
Première ligne : Redoute et ligne de défense
La première ligne comprend, au centre, une petite redoute. Elle bénéficie d’un vaste champ de tir, parfaitement dégagé, en direction du Petit Hohneck. Bien qu’il ne s’agisse que d’une organisation défensive d’apparence assez faible, sa situation lui confère des qualités défensives certaines.
D’ailleurs, les déblais ont été utilisés pour donner plus de relief à la redoute qui commande un front d’attaque dont le glacis présente un fort dévers, suffisamment pour donner un avantage décisif au défenseur !
La redoute, de petite taille, permettait de flanquer la ligne de défense. Sa taille contenue rend improbable l'existence d'un parapet terrassé, plus vraisemblablement, on aurait utilisé des gabions.
Enfin, ce qui correspond à un fossé qui aurait précédé un parapet d'infanterie aurait également pu être établi comme un parapet d’infanterie : le glacis présentant une pente prononcée et l'ajout d'une palissade ne rend pas un tel dispositif moins efficace et représente une économie de moyens (construction et entretien) non négligeable. Bien évidemment, il ne s’agit là que de quelques réflexions initiales qui devront être confortées ou infirmées, en l'absence d'une coupe archéologique, par un examen très attentif du site.
Enfin, ce qui correspond à un fossé qui aurait précédé un parapet d'infanterie aurait également pu être établi comme un parapet d’infanterie : le glacis présentant une pente prononcée et l'ajout d'une palissade ne rend pas un tel dispositif moins efficace et représente une économie de moyens (construction et entretien) non négligeable. Bien évidemment, il ne s’agit là que de quelques réflexions initiales qui devront être confortées ou infirmées, en l'absence d'une coupe archéologique, par un examen très attentif du site.
Fossé cernant la redoute |
Schanzgraben — Une seconde ligne bien antérieure à la guerre de Trente Ans.
Intégrée dans le dispositif défensif constitué durant la guerre de Trente Ans, cette ligne correspond à celle située au plus proche du sommet du Hohneck. Elle est connue sous le nom de « Schanzgraben » (trad. littérale « fossé défensif »)… mentionnée dans des textes sensiblement antérieurs à la guerre de Trente Ans, il s’agit d’une organisation défensive plus ancienne sur laquelle est venue s'appuyer la position plus récente.
Sa forme est très certainement assez traditionnelle : un rempart formé d'un parapet en terre précédé d'un fossé.
Redoute du Hohneck — Schanzgraben |
Redoute du Hohneck — Schanzgraben, vestiges de premier conflit mondial |
Quand le premier conflit mondial s'invite au Hohneck…
Sans surprise, on trouve également quelques avatars correspondant aux constructions françaises de la période 1914-1918 qui viennent s’afficher sur le site ou à peu de distance.
• Une tranchée de liaison partant de la seconde ligne de défense (cf. ill. légendée) ;
• Des organisations défensives (légères car disposées en arrière du front), un peu au sud du sommet du Hohneck, couvrant la crête.
Enfin, deux ajouts dont la forme ne correspond pas à celle observée habituellement au 17e siècle datent probablement de cette période de conflit (à confirmer) : à l’intérieur (1) et en arrière de la redoute (2).
Hohneck — Tranchées datant du premier conflit mondial |
Redoute du Hohneck : vue rapprochée de la structure (1) |
Remerciements et orientation bibliographique
Les redoutes vosgiennes ont peu retenu l'attention dans la littérature et l'article suivant, très fouillé, se révèle d'autant plus précieux que mes échanges actuels avec son auteur sont empreints d'une grande qualité… qu'il en soit tout particulièrement remercié !
DAVID P.M. - Note sur les traces d'anciens réseaux de communication et les traces des retranchements dans le massif du Hohneck Vosges. In : Sté philomatique vosgienne, 1991, XCIV, p. 145-182.
DAVID P.M. - Note sur les traces d'anciens réseaux de communication et les traces des retranchements dans le massif du Hohneck Vosges. In : Sté philomatique vosgienne, 1991, XCIV, p. 145-182.
Pour en savoir plus sur les redoutes, leur forme et leur rôle… cf. Mémento sur les redoutes installées le long du Rhin aux 17e et 18e — Fortifications : dispositions insolites ou méconnues (14)
Enfin, remerciements appuyés au général Hiver… avec son appui, nul besoin de réaliser schémas et dessins :-)
Commentaires
Effectivement, quelques autres ouvrages, de ce type et de cette période, existent dans les Vosges… Situés dans des zones naturelles protégées, je ne pense pas que la publication de leur situation exacte sur Internet soit adaptée. D'ailleurs, il ne faut pas confondre les redoutes de la guerre de Trente Ans avec celles construites durant les guerres de la Révolution et de l'Empire (par exp. à l'entrée du Val de Villé).
Nota : je suppose que vous faisiez référence au Rainkopf, car « le « Rheinkopf » m'est inconnu ?
La forme est connue sans qu'une modélisation soit nécessaire… il s'agit de levées de terre souvent complétées d'un abri contre les intempéries.
Bien cordialement,
Balliet J.M.
Cordialement
Compte FB Jean Francois Durant
D'ailleurs, il existe quelques autres redoutes qui sont probablement contemporaines et il convient de ne pas les confondre avec les redoutes construites durant les guerres de la Révolution et de l'Empire par exemple aux environs de Châtenois.
Bien cordialement d'Alsace,
Balliet JM