Thionville : Le siège de 1558, les fortifications contemporaines
Située dans un coude de la Moselle, Thionville est une ville du Saint-Empire romain germanique Il devient, au début du XIe siècle, un fief des comtes de Luxembourg qui décident de fortifier la ville en construisant une enceinte fortifiée et d'un château doté d’un puissant donjon (la tour aux Puces).
Thionville est conquise par le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1443 qui renforce sensiblement sa défense en restaurant ses fortifications, en transformant les fossés en douves à l'aide d'une rivière, la Fensch. Enfin, dans le cadre des 17 provinces des Pays-Bas, la ville appartient d'abord aux Habsbourg, avant d’être intégrée à l’empire de Charles Quint.
C'est à cette époque que les fortifications sont adaptées pour faire face à une artillerie utilisant désormais la poudre et boulets. Des boulevards d’artillerie sont édifiés sur les remparts qui perdent leurs créneaux et sont renforcés par de fortes masses de terre — ils sont talutés –, des plateformes plus larges sont ajoutées sur les tours.
Ces nouvelles défenses n’empêchent pas une première conquête française par les armées d’Henri II en 1558… Si le siège est bien documenté, il attire peut-être moins l'attention car presque toujours dépourvu d'illustrations.
Pourtant, il est un ouvrage qui nous offre non seulement une des premières vues imprimées de Thionville — N.D.L.R. Sous toutes réserves, car la bibliophile lorraine ne relève pas d'un de mes domaines de prédilection — et, cerise sur le gâteau, du siège de 1558 !
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Il s'agit de la célèbre cosmographie universelle initiée par Sebastien Munster en 1548 qui sera reprise et augmentée par François de Belleforest en 1575 :
MÜNSTER (S.) BELLEFOREST (F.) - La cosmographie universelle de tout le monde : en laquelle, suivant les auteurs plus dignes de foy, font au vray descriptes toutes les parties habitables, et non habitables de la terre, et de la mer, leurs ssiettes et choses qu'elles produisent, puis la description et peincture topographique des regions, la difference de l'air de chacun pays, d'où advient la diversité tant de la complexion des hommes que des figures des bestes brutes… Tome 1 / auteur en partie Munster ; mais beaucoup plus augm., ornée, et enrichie par François de Belle-Forest… Paris, Nicolas Chesneau et Michel Sonnius, 1575 ; in-folio, plusieurs centaines de ff.
Même si Belleforest intervient essentiellement comme traducteur, la plupart des bois sont directement repris de l'édition de S. Münster, il adapte le texte et même quelques gravures dont celle du siège de Thionville qui ne peut, bien évidemment, figurer dans l'édition princeps de S. Münster (1548).
Fortifications de Thionville et le siège de 1558
Siège de Thionville en 1558 (détails). In : Münster (S.) Belleforest (F.) - La cosmographie universelle de tout le monde […]. Paris, Nicolas Chesneau et Michel Sonnius, 1575. |
Si la gravure sur bois restitue bien l'esprit du siège, il faut toutefois se garder de la considérer comme une source primaire… Cela semble correspondre à une évidence pour ceux qui sont plus versés en matière de sciences historiques et, pourtant, nombre de publications anciennes comme actuelles laissent l'auteur de ces lignes quelque peu dubitatif.
Comment faut-il interpréter cette gravure ?
Spontanément, d'aucuns joindraient l'esprit et la lettre, pourtant il faut adopter une démarche plus mesurée.
Thionville est représentée dans une boucle de la Moselle sans la topographie soit parfaitement respectée.
Concernant les fortifications, la gravure restitue les adaptations réalisées pour s'adapter aux évolutions de artillerie. L'auteur a représenté les boulevards (en all. Bollwerk) caractérisé par une forme semi-circulaire et illustrés ici avec deux étages de feux : des créneaux dans la muraille et des pièces d'artillerie sur la plateforme. Il semblerait également que le nombre de six boulevards soi quelque peu excessif… Le nombre de cinq paraît plus probable. Il faudrait toutefois se plonger dans des recherches qui dépassent le cadre d'un simple billet. Les remparts, précédés d'un nombre exagéré de douves, sont représentés sous leur forme primitive, savoir, sans le renfort des masses de terres.
Nota : Si la première église paroissiale de Thionville aurait été construite sous l'invocation de Saint-Eustache, il est certain que l'église illustrée dans la gravure n'y corresponde pas car, au moins à ces époques, il était assez fréquent d'observer des variations de patrons.
Quant aux travaux de siège : Ils se sont caractérisés par la férocité des combats — les nombreux villages et le château de Rodemak (anc. Roquemar) en flammes en sont le reflet — et l'usage d'une forte proportion de d'artillerie. Dans ce cas, l'illustrateur se contente de restituer, avec succès, l'esprit du siège.
J.M. Balliet
Orientation bibliographique
- BALLIET (J.M.) - Festungsbaukunst und Kulturlandschaft. Ein Beitrag zur Gestaltung des Festungsvorfeldes vom 18. bis zur Mitte des 20. Jahrhunderts. S.l., 2014. In : Militärische Schichten der Kulturlandschaft, 2014, No. Alemannischen Instituts Nr. 81.
- STACHOWSKI (Ph.) - Les fortifications de Thionville du XVIe au XVIIIe siècle. S.l., 0. In : Les cahiers Lorrains, 2007, No. 3/4.
- TESSIER (G.F.) - Histoire de Thionville, suivie de divers mémoires sur l'origine et l'accroissement des fortifications […]. Metz, 1828.
- TRUTTMANN (Chef de Bataillon du Génie Ph.) - Fortification, architecture et urbanisme aux XVIIe et XVIIIe siècles. Essai sur l'œuvre artistique et technique des ingénieurs militaires sous Louis XIV et Louis XV. Thionville, 1976.
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