Les « trabochetti » ou Ha-Ha à la mode piémontaise ! Fortifications : dispositions insolites ou méconnues (8)

Dans un billet antérieur, nous avions abordé le ha-ha (i. e. haha) avec, au fil du temps et suivant les nations, quelques variantes.

Il convient cette fois d’en découvrir une forme très particulière de ha-ha mise en œuvre par l’ingénieur piémontais Ignazio Bertola, au moment de la construction de la forteresse de Fenestrelle proche de la frontière entre la France et l’Italie.

Initié en 1727 et emprunt de gigantisme, c’est le plus important ensemble fortifié après la muraille de chine ! Il barre vallée de Chisone et comprend initialement trois forts, deux redoutes (une troisième redoute est de facture plus tardive) et cinq batteries casematées.

Fenestrelle - Plan-relief [1757]… 600 m de dénivelé !

Fenestrelle - Plan-relief [1757] — Partie inférieure

Fenestrelle — vue actuelle

Pour assurer la communication entre le fort San Carlo, situé au pied de la forteresse, et les autres parties de la forteresse, on construit un escalier couvert de 2,5 km de long qui compte 3996 marches pour un dénivelé de 580 mètres !

Fenestrelle — Escalier couvert (1re partie adapté aux mules)

Fenestrelle — L'escalier couvert correspond à la partie sombre de la muraille.

Fenestrelle — L'escalier couvert avec ses créneaux.

Durant une longue période, cet escalier constitue l’artère vitale de la forteresse puisqu’hommes, vivres et matériels ne peuvent emprunter que ce seul passage. Il permet non seulement de se déplacer à l’abri des intempéries mais aussi de masquer les mouvements de la garnison au regard de l’adversaire.

Il est donc construit très solidement, « à l’épreuve ». Aveugle du côté de l’adversaire, l’épaisseur des murs dépasse les 2 m. Prévu pour être emprunté par des mules, il est large d’environ 2,10 m avec une hauteur moyenne de 2,30 m. Il est éclairé et aéré au moyen d’une série d’ouvertures crénelées qui se succèdent tout le long. 
Sur son parcours sont disposés cinq ha-ha qui sont susceptibles d’isoler l'escalier en différents segments.

Ces ha-ha — connus sous le nom de « trabochetti » en italien (trad. pièges) — sont toutefois très particuliers car organisés défensivement d’une manière pour le moins originale.
Ils sont constitués de deux parties mobiles à leur extrémité. Ces extrémités peuvent être relevées à l’aide de chaînes, à la manière d’un pont-levis, et découvrent un fossé remplit d’eau d’une profondeur de plus de 5 m. L’extrémité à relever correspond à celle qui fait face à l’adversaire.

Le ha-ha débute juste derrière les deux « sentinelles »
Enfin, dans le tablier de la partie du pont pouvant être relevée se trouvent deux créneaux de fusillade qui offrent, pour l’époque, une protection suffisante.


Les deux extrémités peuvent être relevées à l'aide de chaînes, à la manière d'un pont-levis, pour dégager la fosse. Noter la présence de créneaux de fusillade !


Plus haut dans le fort, l'escalier — toujours couvert — est peu ou pas exposé aux tirs de l'artillerie de l'époque.



Partie plus étroite et plus escarpée de l'escalier. le cas échéant, on s'aide de palans pour hisser des charges lourdes.

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