Château du Haut-Barr (Saverne) — Un ensemble architectural qui recèle quelques belles pépites


Le Haut-Barr du 12e au 18e siècle, un abrégé d'histoire

Dominant la ville de Saverne, le château du Haut-Barr contrôle le débouché de la route reliant l’Alsace à la Lorraine par le col de Saverne, celui de la vallée de la Zorn et la route située au piémont des Vosges. Il est connu avec certitude dès la première moitié du 12e siècle. Il occupe trois importants rochers en grès : le rocher sud et le rocher central, reliés par le «pont du Diable», ont probablement été fortifiés vers 1170.
Entre 1581 et 1586, l’évêque Jean de Mandersheid entreprend d’importants travaux (Mengus & Rudrauf, p. 133) : il s’agit de redonner du prestige à la résidence épiscopale et de l’adapter à l’emploi des armes à feu.
Pris, sans combat en 1621 et en 1634, les troupes françaises entreprennent une destruction partielle du château en 1649-50 en démantelant ses parties basses.
Dans la première moitié du 18e siècle, il est toutefois envisagé, entre autres, par le directeur des fortifications d’Alsace Jacques Tarade, de restaurer le Haut-Barr. Une petite partie seulement des travaux projetés est réalisée. Un poste militaire est maintenu jusqu’en 1772, le château sera alors rendu à l’évêché.

Dispositions et évolutions architecturales.

Un précieux témoignage : le fameux Topographiæ alsatiæ publié par Merian en 1644 !

Dans notre fonds archivistique se trouve un ouvrage que nous affectionnons particulièrement :

[MERIAN] - MERIANUM (Matthæum) - Topographia Alsatiæ, &c. Das ist Beschreibung und eygentliche Abbildung der vornehmbsten Stätt und Oerther / im Obern und Untern Elsass / auch den Benachbarten Sündgau / Brisgau / Graffschafft Mümpelgart / und andern Gegenden. Frankfurt am Mayn, Wolffgang Hoffmanns, 1644 ; in-4, 2 ff.n.ch., 53 pp., 3 ff.n.ch.

Il donne une représentation d'une grande qualité du château du Haut-Bar avant son démantèlement partiel. On y trouve en outre une très belle représentation de la ville de Saverne.


Haut-Barr— vue du front est, depuis l'Alsace (fonds & cliché Balliet JM)

Saverne (vers 1640) — Au premier plan une redoute « Bergschantz » et à l'arrière-plan, le Haut-Barr (fonds & cliché Balliet JM)

Quelques légendes…


1. Rocher nord portant un donjon roman.
2. Rocher médian et le logis de l'époque romane.
3. Rocher sud, le « Markfels ».
4. « Pont du diable »
5. Portail monumental (16e), courtine et tour flanquante circulaire (modifiées au 18e s.). On distingue la partie sommitale de la tour du puits.
6. À l’extrémité nord se trouve le «Schnabel», un bastion polygonal du 16e siècle.

Un château & trois rochers…

Au nord : Le rocher septentrional porte le donjon de l’époque romane et une citerne. À l’extrémité nord, un petit bastion polygonal — le « Schnabel » (trad. le «bec») — vient renforcer la défense au 16e siècle (remis en état de défense au 18e s.).


Rocher médian : on y trouve les ruines du château du 12e siècle avec un logis de plan heptagonal. L’étage noble servait d’appartement aux évêques. Au rez-de-chaussée sont visibles trois fentes d’éclairage, une quatrième ayant été transformée en latrines à canal d’écoulement oblique. Au premier étage, deux fenêtres sont séparées par un oculus circulaire. Un donjon carré, aujourd’hui disparu, mais dont le parement extérieur est encore visible dans la partie médiane du mur sud du logis..



Cette ouverture peut servir de créneau de défense.

Mais celle-ci… n'a aucun objet défensif !



Au sud : Le rocher dit « Markfels » est relié au rocher central par le fameux « pont du diable». Un mur-bouclier de près de 2 mètres d’épaisseur est disposé à son extrémité, probablement dès le 12e siècle.

Le Grand-Geroldscek vu du Haut-Barr

Le « pont du diable » dans sa version contemporaine.

L’avant-cour…

À la fin du 16e siècle, l’évêque Jean de Mandersheid, transforme le portail préexistant en une porte monumentale de style Renaissance dont l’attique conserve en partie les attributs du prélat (martelés durant la Révolution) entourés de deux cartels rappelant que le prélat a fait moderniser le château en 1583. La porte, remaniée en 1586 et, une seconde fois, en 1743, était pourvue d’une herse complétée par deux assommoirs aujourd’hui disparus. 





Dans l’avant-cour qui date des environs de 1500 : juste derrière la porte est disposée une conciergerie (16e s.) et la tour du puits sur la face nord de  laquelle sont encastrées deux dalles aux armories de l’évêque Jean de Lichtenberg et de l’évêché de Strasbourg.

Tour du puits

Tour du puits — armories de l’évêque Jean de Lichtenberg et de l’évêché de Strasbourg.

La rampe d’accès mène au portail du 11e siècle était interrompu par un fossé. Une tour circulaire (15e s.), remplacée au 18e siècle par une tour polygonale, flanque la courtine qui rejoint la porte monumentale. Cette courtine, également modifiée au 18e siècle, est percée de deux niveaux de créneaux destinés à des armes à feu portatives.

Le front est vu de l'extrémité méridionale.

Courtine modifiée au 18e (vue extérieure)

Tour de flanquement modifiée au 18e (vue extérieure)




Portail d’entrée (12e s.) de la cour supérieure. Le niveau actuel du seuil résulte de creusements successifs du rocher pour diminuer la pente de la rampe d’accès.

La basse-cour

La chapelle dédiée à Saint-Nicolas (11e s.) a été restaurée à plusieurs reprises. Elle se trouvait initialement intégrée dans un bâtiment d’un ou deux étages. Dans la cour avait été creusée une citerne à filtration. 
À l’ouest, une tour d’artillerie polygonale flanque le nouveau logis épiscopal. Ils ont tous deux été construits entre 1583 et 1586. La tour présente de remarquables canonnières à double ébrasement qui possèdent chacune une ou deux fentes permettant à un panneau de protection de coulisser latéralement. Cela devait permettre de mettre à l’abri les servants pendant la phase de chargement des bouches à feu.

On y trouvait encore des casernes construites au 18e s., aujourd’hui disparues.

À l’ouest, une tour d’artillerie polygonale flanque le nouveau logis épiscopal (16e s.)


Canonnière à double ébrasement disposant d'une ou deux fentes permettant à un panneau de protection de coulisser latéralement…








Tour d’entrée ouest





Orientations bibliographiques sommaires & al.

1 • [MERIAN] - MERIANUM (Matthæum) - Topographia Alsatiæ, &c. Das ist Beschreibung und eygentliche Abbildung der vornehmbsten Stätt und Oerther / im Obern und Untern Elsass / auch den Benachbarten Sündgau / Brisgau / Graffschafft Mümpelgart / und andern Gegenden. Frankfurt am Mayn, Wolffgang Hoffmanns, 1644 ; in-4, 2 ff.n.ch., 53 pp., 3 ff.n.ch.
2 • MENGUS N., RUDRAUF J.M. - Châteaux forts et fortifications médiévales d'Alsace. Dictionnaire d'histoire et d'architecture. Strasbourg, La Nuée Bleue, 2013.
3 • BILGER B.L. - Châteaux forts de montagne et armes à feu en Alsace. Strasbourg, Société Savante d'Alsace et des Régions de l'Est, 1991.

Sitologie : Châteaux forts d'Alsace



Dr Balliet JM — 13 janvier 2019



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