Un livre, un jour… Où il est question de ouvrages traitant des fortifications aux qualités diamétralement opposées !

WARMOES I., ORGEIX É. - Atlas militaires manuscrits (XVIIe-XVIIIe siècles). Villes et territoires des ingénieurs du roi. Paris, BnF, Ministère des armées, 2017.

Parmi les nombreux ouvrages qui viennent régulièrement agrémenter mes bibliothèques, j’ai retenu deux parutions récentes : le contraste est saisissant sur le plan qualitatif et mérite qu’on s’y arrête ! 

Du meilleur…

WARMOES I., ORGEIX É. - Atlas militaires manuscrits (XVIIe-XVIIIe siècles). Villes et territoires des ingénieurs du roi. Paris, BnF, Ministère des armées, 2017. 

Notice extraite de la postface : « Aux XVIIe et XVIIIe siècles, tandis que les grands ateliers cartographiques européens s’affairent à l’édition de luxueuses séries d’atlas universels pour leur clientèle la plus fortunée, c’est au plus près du terrain que les ingénieurs militaires façonnent patiemment leur propre conception de l’atlas militaire manuscrit, à bien des égards plus intimiste et secrète. Si leurs ouvrages se définissent toujours comme des “livres reliés de cartes et plans”, ils adoptent des formes infiniment diverses, allant du simple “ramas” de documents utile à l’exercice de la profession à la “visite de places” commandée par l’administration militaire, en passant par le somptueux recueil dédicatoire. Dessinés à la plume et souvent rehaussés de lavis, ces recueils, conçus à des fins stratégiques, dressent le portrait inédit et toujours confondant de précision de provinces, païs, villes fortifiées et ouvrages militaires tour à tour défendus ou convoités par l’État monarchique. Cet ouvrage abondamment illustré, qui réunit une étude historique et un catalogue raisonné complété d’index de lieux et d’auteurs, présente pour la première fois, planche par planche, l’un des gisements cartographiques d’Ancien Régime les plus exceptionnels qui soient conservés dans les fonds d’Île-de-France. Instrument de recherche inestimable pour l’histoire des villes, de l’architecture et des territoires, il éclaire l’ensemble des processus de réformation orchestrés en France entre les règnes d’Henri IV et de Louis XV, tout en faisant la part belle aux pays européens et aux États du Levant ».


Si ce catalogue répond à toutes les attentes au regard de la qualité du travail réalisé — il allie la qualité des textes et des illustrations —, on peut toutefois regretter la politique éditoriale de la BnF : difficile à acquérir et, de surcroit, pour un prix de vente conséquent (180 euros), il ne propose qu’une médiocre reliure puisque l’ouvrage est simplement broché !

Enfin, le propos de la postface rédigée par l’éditeur comprend une erreur : « présente pour la première fois, planche par planche »… Bien évidemment, seule une sélection parmi les très nombreuses planches de l’atlas est proposée.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un ouvrage des plus estimable que je recommande sans réserve. Rédigé par des auteur(e)s aux qualités certaines, il mérite de figurer en bonne place dans les bibliothèques (très) spécialisées.

Au pire…

Le second ouvrage est cette fois de main anglo-saxonne… Présenté de manière avenante par l’éditeur, il est susceptible de tenter quelques lecteurs et, principalement, les néophytes.

BLACK J. - Forts. An illustrated history of building for defence. Londres, Osprey - The National Archives, 2018.


BLACK J. - Forts. An illustrated history of building for defence. Londres, Osprey - The National Archives, 2018.

Assurément, cet ouvrage offre une apparence luxueuse… abondamment illustré, bien relier, parfaitement imprimé, il devrait satisfaire les lecteurs : du néophyte aux spécialistes. Malheureusement, il n’en est rien ! En effet, si nombre d’illustrations sont du plus haut intérêt pour des spécialistes susceptibles de les interpréter, le texte qui les accompagne se révèle largement insuffisant : bien que bardé des titres de professeur, les connaissances de l’auteur en matière de fortifications s’avèrent lacunaires, voire inexactes. Présenté comme un spécialiste de la cartographie, plusieurs cartes et plans font l’objet de commentaires ou d’une datation erronés.

Le summum du ridicule atteint son acmé vers la fin de l’ouvrage, à partir du 19e siècle… des systèmes de fortification initiés par Brialmont, Séré de Rivières, Biehler et quelques autres, on en cherchera vainement quelques traces. Par contre, il est question de fortifications en Chine et en Afghanistan alors que l’essentiel du chapitre est consacré au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis.

Pour la période traitant du 20e siècle, de toute apparence, l’auteur ne maîtrise plus du tout le sujet et se contente de remplir, mal, quelques pages. Qu’on en juge : s’il méconnait totalement les réalisations allemandes comme le Westwall ou le mur de l’Atlantique, il se sent probablement obligé de traiter de la ligne Maginot… en deux pages couvertes aux trois quarts par deux illustrations, dont l’une correspondant à un dessin de propagande à mille lieues de la réalité. S’il fait encore mention de la ligne Bar-Lev, il ignore totalement les réalisations les plus récentes telles que les fortifications suisses. En résumé, un ouvrage des plus médiocre présenté de manière pompeuse. On ne peut que conseiller au lecteur lambda de passer son chemin !


BLACK J. - Forts. An illustrated history of building for defence. Londres, Osprey - The National Archives, 2018.
Dessin retenu par l'auteur pour illustrer la ligne Maginot… sans commentaire !


Dr Balliet JM - 25 octobre 2018

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