Forte Montecchio Nord… Un « must » pour l'amateur de fortifications !
Forte Montecchio nord — Tourelles de la batterie cuirassée |
Disposé sur un rocher et parfaitement défilé, on le distingue à peine. |
Situé sur une colline rocheuse, au bord du lac de Côme — au nord de Colico — et en arrière de la rivière Adda, il fait partie d’un ensemble défensif bâti à la frontière nord de l’Italie en regard de la Suisse pour contrer une attaque de l'Allemagne ou de l'Autriche-Hongrie à travers la confédération helvétique. Ce dispositif comprend en outre une position d'artillerie installée dans l'ancien forte di fuentes (Montecchio est)
Carte de la frontière italohelvétique datant des années trente dans un état de conservation remarquable. Colico est situé en bas, à gauche. |
En guise d'introduction… une ballade aérienne autour du Forte Montecchio nord !
Creusé à même le roc…
Pour aménager les œuvres vives comme le casernement, il a été nécessaire d’excaver le rocher. La structure du fort fait appel au béton, à la pierre et aux cuirassements.
Pour assurer l’indispensable approvisionnement constant en eau potable, il a fallu installer un système d'alimentation très élaboré : Les eaux pluviales sont collectées dans de grands bassins qui alimentent, après avoir été filtrées, de longues conduites conduisant à d’immenses citernes disposées sous les principaux bâtiments.
Le casernement & les bâtiments de l’intendance.
La caserne.
Construit à l’épreuve — protégé par une couche d’un mètre de béton —, il se love en quelque sorte dans le rocher de telle sorte que sa situation est parfaitement défilée par rapport à la plaine. Outre les logements pour les officiers et la troupe, il abrite en outre des locaux destinées au commandement une infirmerie, un arsenal. En raison des rigueurs du climat, les chambrées et certains locaux étaient isolés du sol par un vide sanitaires et chauffés à l’aide de poêles, ce qui explique les nombreuses cheminées disposées sur le toit.
Caserne et départ de la caponnière de liaison |
Cette vue aérienne permet de distinguer la caserne enchâssée dans le roc et la caponnière de liaison organisée défensivement. |
La caserne est séparée en deux secteurs — est et ouest — par un couloir.
Le premier local à l’est correspond à la « Salle de rapport » : bureau chargé de la gestion administrative du fort.
Lui succède le poste de commandement : On y trouve une immense carte dessinée à la fin des années 30 quand Forte Montecchio devient le lieu de garnison de gardes-frontières. Elle représente la zone de la province de Sondrio.
Un troisième local sert tantôt de logement pour les officiers, tantôt d’infirmerie. Elle se caractérise par la présence d’un système d’eau courante sommaire puisque constitué d'une pompe et d'un réservoir suspendu.
La dernière salle, sur le côté est, abrite l’arsenal où est stocké l’armement individuel de la garnison.
Une immense chambrée, disposée dans le quartier ouest, abrite la troupe. Elle accueille environ 40 soldats.
Locaux annexes.
Un bâtiment, situé au sud de la caserne accueille les cuisines, des magasins et des latrines.Les repas ont été consommés sur les lits, ou, si le temps le permettait, à l'extérieur, sur le terrain de parade en face de la caserne.
La caponnière de liaison.
Plaquée contre le rocher afin d’en assurer le défilement à partir de la plaine, elle atteint une longueur de près de 120 mètres de long. Il relie la caserne à la batterie cuirassée ainsi qu’aux magasins sous roc. Elle est organisée défensivement puisque sur sa face ouest sont disposés une série d’ouvertures destinées à la défense rapprochée. Ces derniers sont d’un type assez particulier puisque l’obturation de chaque créneau est assurée par un masque (i.e. volet) blindé comprenant deux créneaux de fusillade qui peut être rabattu. Dans la position rabattue, il s’agit probablement d’une disposition de temps de paix permettant d’assurer, sinon l’éclairage de la galerie, au moins une meilleure aération.
En son milieu, se trouve un embranchement menant vers les magasins à poudres disposés dans des magasins sous roc. Certains vestiges témoignent de l’usage d’une voie étroite destinée aux wagonnets transportants poudre et projectiles.
L'accès à la caponnière à partir de la caserne est protégé par une grille très élégante ! |
Magasins à poudre et à projectiles — Ateliers de chargement.
Le couloir d’une longueur de 60 mètres menant aux magasins à poudre est par ailleurs organisé pour assurer la déshumidification de l’air. Dans le même secteur, on trouve également un magasin aux fusées. C’est également dans ces magasins qu’étaient stockés les explosifs destinés à provoquer, au moment du besoin, la destruction des ponts de la Valtellina et Chiavenna. La disposition des magasins à poudre est tut fait similaire à celle observée, à la même époque, dans les autres états si ce n’est qu’ils bénéficient d’un éclairage électrique.
Couloir desservant les magasins sous roc… |
Les deux ateliers de chargements, disposés le long de la gaine de liaison, sont organisés de telle sorte que leur mur du fond correspondant à l’extérieur ne présente qu’une faible épaisseur (de l’ordre de 20 cm). En cas d’accident dans un atelier de chargement, il s’agissait de préserver les magasins et, plus largement le fort, des effets du souffle d’une explosion.Enfin, on relève que l’ensemble des charnières, ferrures et serrures sont en bronze afin d’éviter la production d’étincelles.
Les œuvres vives : la batterie cuirassée
La batterie qui accueille quatre canons sous tourelle est disposée sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée accessible par la caponnière comme par l’extérieur se trouvent des magasins à munitions ainsi qu’une centrale électrique destinée à alimenter le fort.
Le premier étage est organisé autour des coupoles des pièces d’artillerie disposées en enfilade. On y trouve en outre un poste de commandement et de coordination des feux qui dispose de sa propre coupole d’observation ainsi que des magasins de batterie.
Le premier étage est organisé autour des coupoles des pièces d’artillerie disposées en enfilade. On y trouve en outre un poste de commandement et de coordination des feux qui dispose de sa propre coupole d’observation ainsi que des magasins de batterie.
Batterie cuirassée et son usine électrique attenante. Elle est précédée d'un modeste parapet d'infanterie. |
Le premier niveau (rez-de-chaussée).
Trois magasins de batterie y sont installés qui accueillent les projectiles, les fusées et les charges confectionnées et prêts à l’emploi. La finition des locaux est particulièrement soignée : revêtu d’une couche de ciment au fini parfaitement lisse et imperméable. Ils sont en outre parfaitement ventilés à l’aide d’un système de ventilation adapté.
Il convient de s’arrêter sur le mécanisme de ventilation qui répondait, à l’époque, aux standards les plus modernes. Il s’agit d’une ventilation mécanique destinée aussi bien à extraire les gaz de combustion produits au moment des tirs que d’assurer la ventilation des locaux. Le système s’appuie sur une série de pompes entraînées par autant de moteurs électriques à l’énergie électrique qui aspirent de l'air frais à l'extérieur avant de le distribuer dans les différents locaux.
Batterie cuirassée, 1er niveau, Magasin à munitions avec son éclairage électrique d'époque ! |
Importante ventilation mécanique jouxtant une électrification très développée. |
Noria à munitions |
Dans un local adjacent mais bien distinct de la batterie, se trouve une centrale électrique puisque ce fort moderne étant entièrement électrifié. Alors que le fort est dans un état de conservation des plus admirable, les génératrices ont malheureusement disparu.
« Alla batteria »… Vers la batterie, située au second niveau ! |
Second niveau… la batterie d’artillerie.
Le poste de commandement et de coordination des feux est un organe essentiel pour une action efficace. À cette fin, il dispose de sa propre coupole d’observation ainsi qu’un ensemble de moyens de communication : téléphonie et, surtout, tuyaux acoustiques permettant de communiquer avec les tourelles d’artillerie et les magasins de batterie (choix du type de munition, charge, etc.).
Tuyaux acoustiques… même les sifflets-obturateurs sont encore présents ! |
Les tourelles d’artillerie, au nombre de quatre, représentent bien évidemment la raison d’être du fort. Permettant de délivrer des feux tout azimut, chaque tourelle abrite une seule pièce de 149,1 mm Schneider mod. 1910 en acier (« 149S »). Le pointage en site est compris entre -8 ° et 42°, avec une portée maximale de l’ordre de 12100 m à 13600 m suivant le type de munition.
Le tube et la culasse sont de fabrication française, l’entreprise Schneider était alors très active dans le domaine de l’exportation de matériels militaires et, tout particulièrement, de pièces d’artillerie. Le canon, en acier, est constitué par un tube entouré par trois manchons pour une une longueur de 5,4 m (soit 36 cal.). Il pèse 5480 kg (dont 3800 kg pour le tube),
Tout est fonctionnel — dans son état d'origine — y compris le système de ventilation permettant d'expulser les gaz émis lors des tirs vers l'extérieur…
Le tube et la culasse sont de fabrication française, l’entreprise Schneider était alors très active dans le domaine de l’exportation de matériels militaires et, tout particulièrement, de pièces d’artillerie. Le canon, en acier, est constitué par un tube entouré par trois manchons pour une une longueur de 5,4 m (soit 36 cal.). Il pèse 5480 kg (dont 3800 kg pour le tube),
Tout est fonctionnel — dans son état d'origine — y compris le système de ventilation permettant d'expulser les gaz émis lors des tirs vers l'extérieur…
L’alimentation en projectiles et en gargousses est assuré au moyen d’une noria jouxtant l’escalier et aboutissant dans le couloir. Un système de ventilation est installé dans chaque tourelle ainsi que des points d’appui permettant des manœuvres de force en cas de changement de tube. D’autres noria à munitions débouchent dans le couloir à partir du rez-de-chaussée pour alimenter les magasins de batterie.
Couloir de desserte des tourelle d'artillerie |
Noria à munitions communiquant avec l'étage inférieur |
Si l’ensemble est de facture très moderne, la disposition des tourelles n’est pas très heureuse : les tourelles sont très rapprochées les unes des autres ce qui les rend nécessairement très vulnérables. Cette organisation est essentiellement dictée par la conjonction d’une série de contraintes : terrain, coûts et délais de construction.
Ateliers et entrepôts artillerie
Le bâtiment, au le nord-ouest de la place d'armes, abritait un atelier et deux entrepôts
Modification dans les années trente.
Outre l'adaptation de la caserne à destination du logement de gardes-frontières (cf. supra), quelques autres modifications ont été réalisées durant cette période sans altérer sensiblement le site.
Les toilettes et le poste de garde ont été déplacés vers le sud dans les années trente : construction d'un nouveau bâtiment (qui abrite aujourd'hui un musée de la guerre de montagne) et d'un nouveau corps de garde.
Forte Montecchio… Aujourd'hui.
Outre la qualité du site, nous y reviendrons, il convient d'ores et déjà de souligner la qualité de l'accueil… extraordinaire !
Le site est qualifié par ses promoteurs comme le fort datant du premier conflit mondial la mieux conservée au monde — « La fortezza della Grande Guerra meglio conservata in Europa ». Le propos est ambitieux mais après une longue visite, on ne peut qu'en convenir… c'est une réalité ou sinon, nous sommes très proche de celle-ci ! En effet, l'ouvrage, en particulier le secteur de la batterie, a conservé presque tous ses attributs, y compris les plus fragiles. Outre l'équipement parfaitement fonctionnel et complet des tourelles, on peut citer les tuyaux acoustiques dont aucun accessoire ne manque à l'appel !
On ne manquera pas de citer le site du forte Montecchio très bien réalisé, même si sa version française, qui a néanmoins le mérite d'exister, est grevée de nombreuses fautes de traduction.
Enfin, le qualificatif de « must pour l'amateur de fortifications » s'impose, à juste titre !
Grazie al team di forte Montacchio per l'eccellente accoglienza!
Forte Montecchio nord — accueil (anc. poste de garde des années trente) |
Bibliographie
[I SISTEMI DIFENSIVI E LE GRANDI OPERE FORTIFICATE IN LOMBARDIA TRA L'ETÀ MODERNA] - BELOTTI (W.) - La batterie corazzate. Brescia, Museo Guerra Bianca, 2009.
Forte Montecchio Nord (Italy), certainly one of the best preserved fortified works of the early 20th century! Commentaries, aerial views (photo and video), interior views.
Forte Montecchio Nord (Italia), sicuramente una delle opere fortificate del primo Novecento meglio conservate! Commenti commentati, viste aeree (foto e video), viste interne.
Forte Montecchio Nord (Italien), sicherlich eines der am besten erhalten befestigten Werke des frühen 20. Jahrhunderts Kommentar, Luftaufnahmen (Foto und Video), Innenansichten.
Dr Balliet JM — 25 mai 2018
Commentaires
Maginifique site effectivement, cela me rappelle un autre site italien dans les Alpes à la frontière française : Le Fort de Chaberton, très curieux et doté d'une batterie de 8 canons montés sur tourelles, mais d'une apparence différente àce site, et dont la quasi-totalité des tourelles avait été annihilée par des Chasseurs Alpins qui avaient contourné l'ouvrage pour les anéantir à revers à l'aide de mortiers de 280 de type 1914, égalemnt de la firme Schneider d'ailleurs (Offensive italienne de juin 1940), dans mes souvenirs, mais je peux confondre.
Cela m'avait déjà frappé cette curieuse accumulation de canons sur tourelles disposés les uns à côté des autres dans une très proche proximité, ce qui me donnait aussi plus une impression de faiblesse ou de "risque" dans ce genre de dispositif.
J'avais deux petites questions du coup :
- les petits clapets circulaires à charnières visibles sur l'arrière des coupoles des tourelles, font-elles partie du système de désenfumage de ces dernières ?
- Dans les magasin à poudres : vous indiquez l'utilisation du bronze pour tous les éléments métalliques, comme les gonds afin d'éviter le risque d'étincelles qui pourraient subvenir sur du fer je suppose ? Sait-on depuis quand on utilise ces "habitudes précautionneuses" pour les poudrières, sans avoir à parler de normes, en France et dans le monde germanique ou même italien ou espagnol ?
Cdt,
F.Fritsch