Fortifications de Colmar — Fortifications : dispositions insolites ou méconnues (15)
Alors que Colmar jouit d'une immense notoriété au regard de son succès touristique, un pan de son patrimoine reste profondément ignoré : ses fortifications !
Historique succinct des fortifications de Colmar
Époque médiévale
Depuis l’époque médiévale, la ville de Colmar était entourée de puissantes fortifications.
La première enceinte a été édifiée entre 1216 et 1220 par le prévôt impérial Woelflin de Haguenau. Longue de 2 kilomètres et d’une hauteur de 7 à 8 mètres, elle comprenait de nombreuses tours.
Trois portes permettaient d’accéder à la ville : le Kerkertor (rue des boulangers), le Steinbrückertor (place des six montagnes noires) et le Deinheimtor (grand-rue). Il faut y ajouter des portes d’eaux (Henckersturm) qui permettaient l’accès aux bateliers.
Une nouvelle enceinte a été construite dans les années 1230.
Dès la fin du 13e siècle, la ville se trouve trop à l’étroit et son enceinte est agrandie pour intégrer les nouveaux faubourgs.
Le XVIe siècle et Specklin !
Les évolutions techniques — tout particulièrement les progrès de l’artillerie — et les nombreux conflits qui émaillent le 16e siècle obligent la ville à revoir ses défenses. Elle fait appel au célèbre ingénieur strasbourgeois, Daniel Specklin, qui présente en 1579 un projet ambitieux. Les travaux commencent la même année et aboutissent vers 1618.
Désormais, une importante enceinte bastionnée, dont les courtines sont couvertes par des ravelins, entoure la ville. L’ancienne muraille médiévale est conservée et, le cas échéant, complétée par quelques cavaliers d’artillerie. Elle forme alors une seconde enceinte, en quelque sorte d’enceinte de sureté avant l’heure.
Des Heiligen Rœmischen Freyen Reichs Statt Colmar im Obern Elsass 1643 (Merian, Matthäus (1593-1650). In : « Topographia Alsatia », Hoffmann W, Francfort, 1644) |
Cette gravure, parmi les plus belles gravées par Merian, a fait l'objet de soins tous particuliers de la ville de Colmar qui a contribué financièrement à sa réalisation. L'auteur s'étant déplacé sur site, la représentation est extrêmement précise. Orientée vers le sud (on distingue à l'arrière-plan la ville de Bâle). Les fortifications de Specklin et l'enceinte médiévale sont mises à l'honneur.
Le XVIIe siècle et Louis XIV sonnent le glas pour les fortifications de Colmar
Malheureusement, en août 1673, Louis XIV ordonne le démantèlement des murailles de Colmar : une partie des matériaux ainsi récupérés est employée sur de nouveaux chantiers. En 1681-1682, sur autorisation royale, les bourgeois de Colmar remettent en état l’enceinte médiévale.
Avec les extensions urbanistiques initiées dès la fin du 19e siècle, les remparts de Colmar disparaissent, dès lors, peu à peu… jusqu’à être invisibles, sauf pour les plus curieux.
Vestiges de fortifications… morceaux choisis
C’est d’ailleurs l’objet de ce billet qui n’a pour seule prétention que de montrer quelques morceaux choisis, car, fort heureusement, il y en a bien d’autres : de quoi éveiller votre curiosité !
Le long de la Lauch (rue Schwendi)
C'est dans ce secteur que les vestiges sont particulièrement visibles. Outre l'emplacement de la herse qui barrait la rivière de la Lauch on pouvait admirer deux très belles embrasures du 16e siècle destinées à des canons. De facture très typique pour Colmar et ses environs, elles ont malheureusement disparu (probablement à jamais) lors des travaux réalisés en 2016.
Le pluriel est d'ailleurs de mise puisqu'elles se trouvaient au nombre de deux !
Canonnière colmarienne du 16e siècle (détruite en 2016) [cliché 2010] |
Une seconde embrasure était plus difficile à discerner (détruite en 2016) [cliché 2004] |
Rainure de guidage de l'ancienne herse permettant de barrer la rivière Lauch (2014) |
L'enceinte médiévale est ici bien conservée et parfaitement visible. Si elle dispose de nombreuses embrasures de tir, ces dernières sont de facture bien plus récente… nous y reviendrons !
Enceinte médiévale de Colmar percée de nombreuses meurtrières (2014) |
Enceinte médiévale de Colmar percée de nombreuses meurtrières… flanquement (2014) |
Dans d'autres secteurs, le mur d'enceinte est conservé : couvent des Catherinettes
Colmar (Merian, 1643) : secteur du couvent des Catherinettes |
Enceinte médiévale, secteur du couvent des Catherinettes (2018) |
Vestige de tour médiévale… Henckersturm (trad. Tour du bourreau)
Tour octogonale « Henckersturm » flanquant la rivière Lauch (2020) |
Tour octogonale « Henckersturm » — détails (2018) |
Une découverte inattendue…
Il est des endroits où on est passé à de très nombreuses reprises et où les touristes se pressent… sans voir !
Découvert ces derniers jours : la dernière embrasure à canons du 16e siècle conservée à Colmar :-)
Canonnière colmarienne du 16e siècle (2018)… seule conservée et bien cachée ! |
Canonnière colmarienne du 16e siècle (mars 2020) |
Fortifications de Specklin… un rare vestige, le Sigels Cavalier.
Rue de l'Est se trouve l'école maternelle Oberlin construite au-dessu des vestiges d'un ancien cavalier d'artillerie — le « Sigels Cavalier » —, une plateforme d'artillerie construite en arrière du rempart médiéval. C'est, aujourd'hui le seul vestige des importantes fortifications de Specklin.
Cavalier d'artillerie « Siegels cavalier » (Merian, 1643) |
Vestiges du cavalier d'artillerie « Siegels cavalier » (2018) |
Vestiges du cavalier d'artillerie « Siegels cavalier » (2018) — L'assise signe une période plus récente |
Vestiges du cavalier d'artillerie « Siegels cavalier »… Les meurtrières, rapportées (2018) |
Les créneaux de fusillade dans l'enceinte médiévale et le Sigels-Cavalier… Explication de texte !
À l'instar des pans conservés de l'enceinte médiévale, la plateforme d'artillerie « Sigels Cavalier » du 16e s. comporte également des meurtrières.
Selon la "notice rétrospective" de Felix Chauffour, c'est en 1743, sur ordre du commandant de la ville , que les meurtrières ont été mises en places. Elles sont constituées de deux briques façonnées de manière à former une meurtrière une fois accolées et intégrées à la maçonnerie (Klein. Remparts de Colmar. p. 56)
Le contexte de la guerre de succession d’Autriche (1741-1748) qui amène, à nouveau, la guerre en Alsace permet d'expliquer l'implantation tardive de ces meurtrières. En effet, si le conflit reste assez décousu jusqu’en 1743, le passage en force du Rhin par le prince Charles, en 1744, laisse un souvenir très douloureux en Alsace. Pour se protéger des raids de cavalerie (dont le fameux raid des Pandours en 1744), la ville ne dispose plus que d'un antique mur d'enceinte dont la mise en état de défense a été rapidement improvisée.
Il ne s'agit pas de créneaux pour des couleuvrines — pour une fois, les excellents Mengus et Rudrauf sont dans l'erreur (Châteaux forts et fortifications d'Alsace, p. 60) et le procédé de fabrication assez ingénieux : rapide et peu couteux… Il s'agit simplement de l'assemblage de deux briques dont la forme permet de réaliser une embrasure !
Addendum… Un peu de béton dans Colmar !
Parfaitement méconnu… les restes d'un important abri situé dans le quartier sud de Colmar, au 1 de l'avenue Foch. Construit probablement dans les années 1942-1943, il est réputé avoir été construit pour abriter les archives de la police allemande (à vérifier).
Abri allemand à Colmar, vers 1942 (2018) |
Abri allemand à Colmar, vers 1942… pour permettre la construction d'une descente de garage, il a été simplement coupé en deux ! (état 2018) |
Dr Balliet JM — 24 juin 2018
Toutes les illustrations du fonds et de la main de l'auteur
Portfolio — clichés du 7 juillet 2018
Mur d'enceinte adjacent |
Commentaires
Je suis tombé par hasard sur votre blog que je trouve très intéressant au sujet des fortifications de Colmar.
Merci pour votre partage,
Alain Miot (Colmar)